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Tito Topin, blog-trotteur.

Le travail m'emmerde.

Le travail m'emmerde. À ma décharge, je dois dire que j'ai compris très tôt que ceux qui travaillaient ferme étaient plus pauvres, moins bien sapés et moins bronzés que ceux qui n'en fichaient pas une rame. Parvenu à l'adolescence, je m'intéressais à la question, conscient qu'elle déterminerait mon avenir sur cette petite boule qui tourne autour du soleil à la vitesse de 30 kms à la seconde. Renseignements pris, j'en conclus que la vraie vie consistait à faire la grasse matinée dans des draps d'une grande douceur, mener la dolce vita dans de longues décapotables bicolores, sillonner les mers sur des yachts manœuvrés par un équipage en uniforme bleu gansé de gris, vivre entre un hôtel particulier de la Renaissance italienne et une grande propriété art déco devant la Méditerranée, parader au bras de jeunes femmes belles à faire hurler le loup de Tex Avery, dormir avec elles dans la position que le kamasoutra désigne comme celle des deux cuillères, avoir son rond de serviette à la Tour d'Argent, côtoyer les puissants, et le seul moyen d'obtenir tout cela était de ne pas en ficher une rame. Comment y parvenir ? me suis-je demandé en ouvrant une boîte de beluga. Faire bosser les autres m'apparut la solution la plus adéquate. Mais n'est-ce pas un travail en soi ? Incontestablement. Mais il n'est pas salissant, il ne donne pas de cals aux mains et ne nécessite pas d'interrompre ses vacances à la mer, au ski, aux îles Vierges, en Irlande, en Suisse ou au Luxembourg, hauts lieux privilégiés du tourisme bancaire. Toutefois, d'un point de vue philosophique, il n'est pas sain de dépendre du travail des autres dans ce monde imparfait qui défend le droit de grève, autorise les ouvriers à prendre leur patron en otage et à défiler avec votre tête au bout d'une pique. J'aime ma tête, je la place très haut, mais pas dans une situation aussi inconfortable. Faire gangster ? Tentant, en effet. Jouer au poker jusqu'à l'aube, trafiquer des diamants, vendre des avions renifleurs ? Et pour finir comme l'oncle Caleggiado dans un costume rayé avec un grand numéro dans le dos ? Non. Faire politicien au risque de devenir amer devant l'ingratitude de ses administrés après les avoir arrosés de cadeaux, comme ce pauvre Balkany ? Trop triste. Finalement, j'ai trouvé, c'est beaucoup plus simple. Il suffit de chanter l'amour, le chagrin, le bal à Temporel, des clip, crap, des bang, des vlop et des zip, shebam, pow, blop, wizzzzzz, de peindre des pommes, des nus descendant l'escalier, des demoiselles avignonnaises, des pipes qui n'en sont pas, d'inventer la tourniquette dans lequel on met la salade et qui tourne toute seule pour la sécher, de créer un épluche-légumes écolo qui se branche sur l'éolienne du jardin, de donner naissance à des poulets sans plumes et des poissons sans arêtes, d'emballer l'arc de triomphe, de souffler dans la trompinette, blow blow blow, d'écrire des romans qui plaisent à Marinette, de concevoir des jeux-vidéos pour sa fistounette, de tourner des films où le jeune homme arrache sa fiancée à la mâchoire du crocodile en ne laissant que la robe entre les dents du monstre, de gagner au loto, de dire sur un mode grave "c'est mon dernier mot Jean-Pierre". Toutes choses que je n'ai malheureusement pas réussies. Et c'est pourquoi le travail continue à m'emmerder.

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