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Tito Topin, blog-trotteur.

Les gangsters m'emmerdent.

Les gangsters m'emmerdent. A ma décharge, je suis de la génération où le film noir l'était vraiment, noir et blême, et où les gangsters portaient galure, cravate et se fringuaient correctement, comme Max le Menteur. Ils n'attendaient pas cinquante berges pour réussir leur vie, ils avaient des Rolex au poignet, des Beretta à bout de bras, roulaient plein d'oseille dans de belles tractions noires. Ils écoutaient la batterie mitraillette de Shelly Manne, avaient soif de mal mais ne buvaient que du champagne (Fais péter une Veuve, Jojo !), leurs p'tites pépées bien roulées vendaient des canards sur les Champs-Elysées, ils jactaient l'argot avec l'accent d'Ajaccio et pouvaient repérer un condé à cent mètres, plus vite qu'un labrador à poil long. Ils étaient ennemi public n° 1, jamais n° 2 ni 3, défouraillaient à tout va, la Saint Valentin se fêtait dans un bain de sang et ils finissaient à bout de souffle sur le bitume de la rue Campagne Première, du plomb dans le buffet. Dillinger è morto. C'était l'époque où gangster faisait envie au petit garçon que j'étais ("Mémé, plus tard, je veux faire gangster." "Dans le privé ou dans le public, mon p'tit chéri ?"). Aujourd'hui, ils ont opté pour le public. Ils s'habillent polo crocodile, envoient leurs enfants à l'école Alsacienne, jouent au golf avec nos édiles, voguent sur des yachts longs comme des jours de confinement, affichent des montres reverso, pètent dans la soie, offrent des Bugatti à leurs légitimes recrutées au salon du Cheval Fou, collectionnent des tulipes en inox peintes par des entrepreneurs en art industriel, décernent des prix. Ils ne tatouent plus à Gigi pour la vie sur leur vieille peau liftée, ne se butent plus entre eux, ont horreur du sang, ils échangent des marchés, ils possèdent des chevaux de course, se filent des tuyaux, achètent des îles, des journaux, font la une de Paris-Match et créent des emplois de futurs chômeurs. Je ne ferai plus gangster, Mémé, ils m'emmerdent.

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