DONALD'S COLD

L'hiver approche, avec ses terribles conséquences. Il convient, pour mieux le supporter, d'étudier son corollaire : le froid. Il en existe plusieurs sortes. Nous négligerons ceux à caractère régional tels que le froid de gueux ou le froid de veau qui feront l'objet d'un autre colloque. Nous n'étudierons ici que les plus importants, le froid de loup, et celui de canard. Comment les différencier ? Le froid de loup est sec, comme le cœur du quadrupède dont il tire son nom, comme le regard qu'il vous lance du haut d'une montagne, par une nuit sans lune, emmitoufflé dans une fourrure de mauvail poil, les crocs menaçants, avec de jolies chaussettes blanches à mi-mollets qui lui confèrent l'élégance d'un dandy anglais. Bien au sec, le froid de loup hurle en descendant de pics enneigés, il éteint les volcans en Auvergne, recouvre le Rhône de plaques de glace, blanchit la Forêt Noire, gèle les bulles dans les bouteilles de champagne. Faites-en l'expérience. Secouez la veuve Cliquot par un froid de loup, vous l'entendrez cliqueter comme des maracas de rumberos cubains. Tchicatchicatchic boum boum. Si le bruit s'amplifie, il convient aussitôt de lancer la veuve par la fenêtre et de se jeter à plat ventre. C'est ce que Gianni Montegnani, linguiste à l'université de Firenze, qualifie de : jeter un froid. A noter qu'en Italie, le froid de loup est communément appelé lupo freddo, ce qui n'est pas très sérieux pour ce pays de grande culture.

A l'opposé, le froid de canard est humide, comme la mare dans laquelle il s'ébroue. S'il vous saisit au visage, ne vous retournez surtout pas, vous auriez froid dans le dos, recommande Mme Annie Sparsa, présidente de l'association l'Adance des Can'Arts. Souvent brouillasseux, le froid de canard s'associe au vent du nord. Il siffle en secouant les volets de la fenêtre, en giflant le pare-brise de la Citroën, en arrachant les parapluies des mains des vieilles dames réfugiées sous des abris-bus de fortune, en envoyant le chapeau rond d'un Breton recouvrir la croix d'une vieille église de granit noir, il siffle en plaquant un sac en plastique sur le visage d'un cycliste qui traverse alors la vitrine d'une pizzaria sans lâcher ses pédales, en canardant à tort et à travers. Dès qu'un froid de canard est signalé, il convient de se couvrir d'un pull à col vert, d'une doudoune rembourrée en duvet d'eider qui est comme chacun sait un canard migrateur de l'hémisphère nord qui a donné son nom à l'édredon, l'ancêtre français de la couette islandaise, et de se précipiter chez soi pour se faire un canard, c'est à dire tremper un morceau de sucre dans un alcool de cane.

Aux USA, le froid de canard est communément appelé Donald's cold (froid de Donald). Pour s'en protéger, le président Trump projette de dresser un mur doublé de plumes de canards à la frontière canardienne.

© Tito Topin

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