Notre Dame de Paris...

Parfois, il est bon de se poser des questions stupides, n'est-ce pas, monsieur Paul ? Par exemple, quand Napoléon III confia le grand chantier de restauration de Notre Dame à Viollet le Duc, les Parisiens s'entre-déchirèrent-ils pour savoir s'il fallait la restaurer à l'identique ou pas ? Non, ils l'ont laissé faire et quand ils ont vu se dresser la flèche, personne n'en a fait un fromage et chacun est retourné à sa tâche. Victor Hugo lui-même n'a pas pipé mot. Mais aujourd'hui, vous polémiquez à tort et à travers, monsieur Paul. Faut-il la refaire comme ceci, comme cela, faut-il la refaire droite ou tordue ? Les sondages s'en mêlent. Une majorité de Parisiens veut ceci. Mais depuis quand fait-on confiance à la majorité ? Nous aurions toujours la guillotine place de la Concorde si nous avions consulté les Français. Nous n'aurions droit ni au divorce, ni à l'avortement. La majorité est le pire tyran qui soit. Au-dessus d'elle, se trouvent l'humanité, la justice et la raison. Entendez-vous, monsieur Paul ? La raison. Et pourquoi doit-on restaurer Notre Dame avec l'afflux des dons au détriment d'autres églises sinistrées, demandez-vous avec force, monsieur Paul. Mais ceci n'a rien à voir avec cela ! Et pourquoi en cinq ans, insistez-vous ? Je pourrais vous dire que le rôle d'un président est de définir un cap, de préciser un but, de susciter un élan, je pourrais vous dire que Notre Dame en cinq ans, monsieur Paul, c'est comme vouloir courir le cent mètres en moins de neuf secondes. Ce n'est peut-être pas réalisable mais c'est tout de même un but. Si on l'atteint, tant mieux. Si on ne l'atteint pas, au moins serons-nous heureux d'avoir tout fait pour l'atteindre. Pas du tout, rétorquez-vous, un président doit dire ce qu'on peut faire, pas ce qu'on ne peut pas faire ! Sinon, il la ferme, sa gueule ! S'il la ferme, comme vous dîtes, monsieur Paul, vous lui reprocheriez de ne pas l'ouvrir. Ah, mais voilà qu'on a deux morts en allant sauver deux otages, vous écriez-vous ! Fallait-il risquer la vie de deux braves garçons pour sauver celle de deux touristes inconséquents alors qu'ils savaient qu'ils allaient dans une zone que déconseillait le gouvernement ? Ah mais pourquoi ils écoutent pas le gouvernement ! Le gouvernement, il sait ce qu'il faut faire ! Ah, mais c'est que pas du tout, pas du tout ! Ah mais oui ! Ah mais oui mais ! Mais quoi ? J'en sais rien, mais quand même ! Il fallait pas. Pas comme ça. Comment ? Comment, comment, j'en sais rien, moi, mais il fallait pas. Je suis d'accord ! Pas du tout ! C'est une honte ! Si c'était moi je les rendrais aux djihadistes ! Il faut peut-être arrêter de boire, monsieur Paul, on ne sait plus ce qu'on dit, c'est de plus en plus fumeux. Non, non, laissez, c'est pour moi, la dernière fois c'est vous qui avez payé. Garçon !