Brasserie du Théâtre.

C'est une brasserie comme il en existe partout, avec une grande terrasse et une choucroute royale à 23 euros. Mon voisin de gauche est grand, costaud, penché sur un verre frémissant de bulles, les lèvres pincées autour d'une paille noire. La jeune femme qui l'accompagne est très blonde, le teint clair, les pommettes saillantes, les yeux bridés. Elle me désigne à lui d'un mouvement de la tête et chausse une paire de lunettes de soleil comme pour se protéger de mon regard. Mon voisin se redresse vivement en se tournant vers moi, la paille reste collée une demi-seconde à sa bouche et tombe à terre. Je regarde ailleurs pour donner le change. Mon voisin de droite est gros, chauve, il boit une gorgée de bière belge à intervalles réguliers, le regard plongé dans les pages sportives de "La Provence", édition du Vaucluse, spécial tour de France. Sa femme est asiatique, elle porte un béret vert mal assorti à son rouge à lèvres, ses ongles sont peints en noir. Elle boit un thé auquel elle n'arrête pas d'ajouter de l'eau chaude.  Quand je me retourne mes voisins de gauche ont disparu. C'était des Russes, dis-je à ma femme en ramenant distraitement mes cheveux en arrière. Des Russes du Nord, a-t-elle renchéri.

© Tito Topin

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