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Tito Topin, blog-trotteur.

Brasserie du Théâtre.

Il s'appelait Léon ou bien Auguste, une moto est passée, j'ai mal entendu mais c'était un nom comme ça. Il disait à celle qui se tenait en face de lui qu'il en avait sa claque d'être pris pour un jeune homme, marre des nanas qui se retournaient sur son passage en pouffant, marre de se faire draguer, marre des œillades en douce de femmes mal mariées, de la suspicion de leurs conjoints, ras la casquette de s'entendre dire qu'il ne faisait pas son âge alors que son âge menaçait d'écroulement les remparts de sa ville. Il s'était réveillé quinze jours avant, un dimanche de pluie avec l'intention de se laisser pousser la barbe, plus précisément la moustache et le bouc. Le poil est blanc, soyeux et laisse une agréable impression sur les doigts, comme du cachemire, touche, disait-il, en approchant son visage du sien. Il s'était collé sur le crâne le bonnet vert en laine grossière qu'il portait ce jour-là, avait chaussé des lunettes noires de fausse écaille et revêtu une parka de chèvre, de sorte qu'il ressemblait, disait-il en riant, à un vieil auteur de polar islandais, la comparaison s'arrêtant là puisqu'il n'avait jamais écrit de texte hormis quelques lettres à sa mère quand il était en colonie de vacances à Bercq. Avant de s'aventurer hors de chez lui, il avait pris une canne pour ne laisser aucun doute sur sa nouvelle condition et avait attendu le 86, le bus qui allait au Chatelet. Un homme l'avait aidé à monter, une jeune fille s'était levée pour lui céder sa place. Il avait remercié chaleureusement. C'était le plus beau jour de sa vie. Enfin vieux. T'es vraiment con, lui dit alors celle qui se tenait en face de lui, coiffée d'un chapeau bleu.

© Tito Topin

www.titotopin.com

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