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Tito Topin, blog-trotteur.

Les manifestations m'emmerdent.

Les manifestations m'emmerdent. A ma décharge, je dois dire qu'elles avaient une raison d'être quand j'étais jeune. Les manifestants étaient nombreux, parfois chahuteurs et quand ils ne manifestaient pas, on les voyait le dimanche sur les grands boulevards que chantait Montand, ils riaient facilement, allaient au cinéma voir Fernandel, aimaient se réunir dans le quartier, dresser des tablées longues comme des jours de confinement, ils chantaient à tue-tête le petit vin blanc qu'on boit sous les tonnelles, les jolies filles de mon pays, racontaient des histoires de Toto, se marraient avec les Charlots, empruntaient des livres à la bibliothèque du comité d'entreprise. S'instruire était une hygiène de vie. Les communistes lisaient Aragon, Camus et Roger Vailland, les autres Max du Veuzit et Maurice Dekobra. Moi, c'était Kessel, Fenimore Cooper et Mickey, mes sœurs Simone de Beauvoir et Nous Deux. Quand ils ne lançaient pas des pavés, ils roulaient à vélo, celui qui n'avait pas de Solex à cinquante ans n'avait pas raté sa vie, les enfants se fabriquaient des jeux eux-mêmes, les femmes s'appelaient Cléo de 5 à 7, se fiançaient aux pirates, dansaient le mambo dans les rizières. Le "Salauds de pauvres !" que lance Gabin dans un film qui se déroule sous l'occupation allemande était injuste. Ils étaient bien moins salauds que les riches collabos qui les exploitaient. Et puis, de victoire en victoire sur le patronat, les manifestants qui ont pris le relais ont eu les moyens d'acheter un téléviseur, des jeux vidéo en 3D pour les petits, une voiture, trois téléphones sud-coréens, un abonnement à Canal, à OCS, à Netflix, une cuisine à induction, un salon au Cuir Center. Tout occupés à régler leurs mensualités en profitant de leur confort, ils ont délaissé leurs idéaux, le communisme est parti dans la poubelle des non recyclables, le socialisme avec, ils ne vont plus au cinéma, regardent BFM, ne lisent plus, d'ailleurs il n'existe plus de comité d'entreprise, il n'existe plus d'entreprise non plus, elle est partie en Chine. Ils touchent le chômage, ils votent pour une grosse blonde à la présidentielle, pour ses nervis aux municipales et manifestent tout le temps contre les gouvernements, contre la PMA, pour le RSA, contre le LBD, pour le LGBT, contre le changement, pour le changement, contre les flics, contre la sortie de tel film, contre celui qui a dit ci, celle-là qui a fait ça, celui qui a la couleur de ci, celui qui l'a pas, ils barbouillent Colbert, ils taguent Voltaire. Ils ne chantent plus au bord de l'eau, ils insultent à tout va sur les réseaux sociaux, brandissent des banderoles rédigées en anglais pour passer sur les télés étrangères, scandent des slogans sur les ronds-points, brûlent la voiture de leur voisin, fracassent la banque dans laquelle leurs parents ouvriers ont mis leurs économies. "Ma, cosa vogliono ?" dirait ma grand-mère. Je n'y comprends plus rien, les manifestations m'emmerdent.

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