Brasserie du Théâtre LII.

Elle, le visage d’un oiseau. Deux larges oreilles, deux joues couperosées et pour finir un nez en forme de bec, interminable, le tout couronné par un bouquet de cheveux teints en blond et enroulés sur des bigoudis en plastique de couleurs différentes. Avec ça, maigre et empaquetée dans une robe d’été en coton léger vert caca d’oie joliment imprimé de crevettes roses. Lui, un échalas, en polo et short anglais, de ceux qui descendent jusqu’aux genoux. Sandales et chaussettes blanches à mi-mollet, bob rouge sur la tête, regard ahuri, bouche ouverte, lèvre inférieure lippue et tombante comme celle de James Stewart dans Monsieur Smith au Sénat. Ils sont attablés devant deux demis de bière et tentent en vain de se faire comprendre d’une serveuse dans une langue qui ressemble à de l’anglais prononcé par un sèche-cheveux alcoolisé. Comme je prête une oreille attentive à leur baragouin, je finis par comprendre qu’ils cherchent une adresse.

-Ils disent que leur hôtel est place de la Comédie, dis-je à la serveuse qui se retourne aussitôt vers le couple :

-Place Comédie, it is in Montpellier, not here, not in Avignon.

-We are in Aïvènioun ?

-Yes !

-Not in Mountpélierre ?

-No !

-Oh my God, oh my God ! s’exclament-ils en se dressant d’un bloc et, répétant sur tous les tons Oh my God, oh my God ! ils partent en trottant dans la direction opposée à celle de la gare.