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Tito Topin, blog-trotteur.

Sous les platanes /8

La rue est étroite, juste de quoi laisser passer la voiture qui s’y est aventurée, pas assez large pour contenir la foule qui patiente devant l’entrée d’un théâtre. Vitre ouverte, la conductrice lui fait signe de s’écarter. Trois ou quatre personnes obéissent, sans conviction. Des comédiens lui tendent le programme de leur spectacle. Agacée, la conductrice le rejette. Léger coup de klaxon. Sans effet. Un clown ressemblant à Harpo Marx s’assoit sur le capot, hilare, et le quitte en se frottant les fesses tant il est brûlant. La porte du théâtre s’ouvre, les spectateurs sortent et se mêlent à ceux qui veulent entrer. C’est un beau bordel, dit Albert en cherchant une serveuse du regard et puis comme par miracle, la foule se disperse, la voiture disparaît. Elles ont surgi je ne sais comment, quatre jolies filles devant nous. Elles posent leurs sacs à dos au pied d’un platane et nous saluent d’un léger coup de chapeau. Un chapeau noir, de forme arrondie, comme celui que porte Liza Minelli dans Cabaret, et sitôt le chapeau revenu sur leurs têtes blondes elles se mettent en rang et lèvent une jambe, puis une autre, de longues jambes garnies de bas résille sous une culotte soyeuse et bouffante, ourlée de dentelles, une sorte de barboteuse d’un rouge éclatant que complète un bustier fait de milliers de paillettes argentées palpitant au soleil. Poussant un grand cri de joie, houba, houba, elles s’écartent et apparaît un homme volumineux, la soixantaine bien avancée, vêtu d’un smoking blanc et coiffé d’une chéchia qu’il soulève en entonnant l’air du Brésilien richissime de La vie parisienne, du moins c’est ce que dit Albert qui prétend connaître l’opérette de Jean-Sébastien Offenbach. Sur la terrasse du bistro, les spectateurs, indifférents, continuent leurs conversations. L’homme en blanc s’accroupit alors et se lance dans un casatchok endiablé qu’il danse avec une rapidité étonnante pour quelqu’un de son gabarit tandis que les choristes frappent dans leurs mains en criant Otchi Tchernia à la façon des bateliers de la Volga. Mon petit chien se dresse au bout de sa laisse et aboie avec vigueur, Le spectacle se termine d’un coup quand le gros homme tombe sur les fesses, en sueur. Le visage surtout, les fesses on ne peut pas voir. Les choristes le relèvent et ils saluent avant de distribuer des imprimés avec leur programme, « Venez voir notre cabaret burlesque, une place achetée, une place offerte », et ce faisant la plus grande des jolies filles est venue caresser mon chien en le remerciant de les avoir applaudis, après quoi on a commandé du rosé et ouvert le paquet de chips de patate douce sans sel ajouté que j’ai acheté à la supérette d’en face.

 

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