Les vieux m'emmerdent (bis repetita).

Les vieux m’emmerdent (bis repetita). Les grandes chaleurs terminées, les voilà qui ressortent après s’être réfugiés tout l’été dans des salles climatisées où ils ont vu et revu Barbie jusqu’à la nausée, les yeux larmoyants, le menton humide, en profitant outrageusement des réductions accordées à leur âge comme s’ils ne jouissaient pas déjà d’une bonne retraite que leur procure le travail des jeunes, lesquels s’échinent au boulot pendant qu’ils jouent au scrabble dans des clubs qui leur sont réservés. Ils gagnent toujours à ce jeu-là, ils connaissent tous les mots qu’on peut faire avec un w. Wu, won, web, kiwi, slow, wapiti et water-closed pour les messieurs que la prostate chatouille. Il faut les voir avancer dans la rue, lentement, les jambes fléchies, les genoux croisés comme s’ils s’apprêtaient à danser le twist, commone twist aguène, Mémène. En marchant ils lâchent des vents arrière, sonores ou pas, qui ne les propulsent pas plus vite. Quand ils n’encombrent pas les rues, ils squattent les hôpitaux, creusent le trou de la sécu, remplissent les hôtels d’Agadir, collectionnent les cartes de fidélité, monopolisent les privilèges. Ils ont perdu en route leurs cheveux, leurs dents, leur ouïe, leurs illusions, plusieurs centimètres, une ou deux hanches, un genou, une vésicule par ci, une rate par là et des milliards de leurs neurones sont tombés dans des trous de mémoire aussi profonds que les fjords nordiques mais peu importe, ils ont des lunettes, des appareils auditifs, des dentiers, des prothèses, des cannes. Ils n’ont plus de voiture mais possèdent toujours un permis de conduire valide au cas où un policier l’exigerait pour contrôler leur déambulateur, ils n’ont plus d’opinion politique mais ont une carte d’électeur qui leur permet de voter à droite parce que la gauche veut les euthanasier en masse, c’est ce qu’une dame blonde est venue leur dire dans leur réserve à la Noël en leur distribuant des casquettes Barbie Santa Klaus. Ils ont allumé une bougie à l’église en apprenant la maladie de Patrick Sébastien, depuis il va mieux, Dieu les écoute. Ils savent tout sur le drame de cette malheureuse Charlène de Monaco, ils jouent aux chiffres et aux lettres, font tous les jeux que leur propose la télé, appuyez sur le 1, appuyez sur le 2, ils gagnent au Loto et le cachent à leurs enfants, le gardent pour leurs vieux jours, on ne sait jamais, grâce à la science qui va découvrir l’élixir de jeunesse, ils vont peut-être vivre encore longtemps, voir les JO de Paris, la prochaine lune bleue, élire un nouveau président. Pour tout ça et pire encore, ils m’emmerdent et surtout, surtout, surtout, je ne supporte pas de me reconnaître en eux.