Brasserie du Théâtre

Visages graves, le couple s'installe en face de moi en regardant tout autour pour s'assurer que rien ne les menace. Je les observe derrière mon journal déplié. Lui est grand, sec, il est américain, américain du sud si j'en juge par la cravate texane - deux lacets de cuir réunis par une tête de Sioux en métal -, il porte des lunettes rectangulaires sans monture, de celles qui d'ordinaire donnent l’air intelligent à ceux qui ne le sont pas. Celles-ci n'y parviennent pas. Près de lui, sa femme est imposante, robe à froufrous sans contours, visage incolore, chevelure fade, encéphalokilo plat. Elle extrait de son sac à dos une petite serviette avec laquelle elle s’essuie posément les mains avant de la tendre à son mari qui fait de même. Elle sort alors une petite bouteille de liquide antibactérien. Tous les deux s’en aspergent les mains et les frottent avec insistance, sur le dos, la paume, entre les doigts. On a dû les mettre en garde contre notre manque d'hygiène en quittant leur bonne ville de Houston et ils prennent leurs précautions. Je replie mon journal. Ils me remarquent alors, d'abord inquiets, puis semblent rassurés en voyant que je ne suis pas noir. Deux touristes texans à Avignon.

© Tito Topin

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