Brasserie du Théâtre...

Ils sont entrés dans la brasserie sans cesser de rire, un gros sac à la main. Deux pépères d'aspect insignifiant. Ils sont ressortis dix minutes plus tard habillés en pères Noël et se sont installés en terrasse, profitant d'un rayon de soleil. J'ai toujours eu du succès avec les nanas, dit le premier en assurant son bonnet sur la tête, surtout les moches. Au début, ça me gênait quand on sortait, et puis je m'y suis fait, parce que tu vois, Bébert, y'a une hiérarchie dans la mocheté, et j'ai compris qu'il y avait encore plus tartes que les miennes, et du coup j'étais fier de celles que j'emballais. Moi j'ai pas à me plaindre, enchaîne celui qu'on avait appelé Bébert et dont la barbe en coton se détachait du menton, même qu'une fois, j't'jure, j'ai tiré le gros lot, une vraie beauté, une Africaine plus grande que moi, elle m'a pris deux cents balles, la salope, mais ça valait le coup. Ah, mais moi, Bébert,  je te cause pas des filles au compteur, j'ai toujours su profiter de mon physique pour séduire et puis, les filles qu'ont tout à l'extérieur, c'est pas forcément les plus canons au pieu. Tiens, c'est pas le gros Dédé que je vois-là ? Il désigne du doigt un père Noël qui remonte le cours Jean Jaurès, courbé sur son vélo. Non, c'est Lucien, fait Bébert, Zara a dû le réembaucher cette année. Hé, Lucien, s'écrie l'autre dont je ne sais pas le nom, tâche de pas tripoter les gamins, vieux pédophile à pédales ! Le père Noël cycliste détache son regard du guidon et leur adresse un bras d'honneur si vigoureux qu'il manque de perdre l'équilibre. Ils s'apprêtent à répondre quand la serveuse les interrompt, tasses fumantes sur son plateau. Les camomilles de ces messieurs sont avancées, dit-elle d'un air accablé.

© Tito Topin

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