Les antisémites m'emmerdent.

Les antisémites m’emmerdent. Je m’en explique. Quand je suis arrivé à São Paulo (Brésil), en 56, les mœurs étaient encore conservatrices et il fallait avoir un costume pour bosser et ce, malgré la chaleur, je suis donc allé voir un tailleur qu’on m’avait recommandé rua Barão de Itapetininga et lui ai commandé trois costumes dans un tissu léger, en vogue à l’époque, appelé tropical. Lors du premier essayage, le tailleur me dit avec un fort accent yiddish digne de Popeck : – Topin, ça veut dire Pinto, n’est-ce pas ? Vous êtes juif. Je lui réponds que non, je ne le suis pas, Topin est bien mon nom, je n’y peux rien. Il n’insiste pas mais à son air, je vois bien qu’il ne me croit pas. Au deuxième essayage, il me demande, insidieusement : - Vous venez d’où, monsieur ? – De Casablanca, je dis en le voyant venir avec ses gros sabots. – Il y avait beaucoup de juifs à Casablanca, dit-il. – Oui. – Vous aussi, vous… ? – Non, pas moi, j’aimerais bien vous faire plaisir mais je suis goy des pieds à la tête. Il hoche la sienne en me regardant avec tristesse, l’air de penser que je suis un mauvais juif. Au troisième et dernier essayage, il me désigne du geste les étoiles de David qui traînaient un peu partout dans son atelier, des murs jusqu’au plus petit cendrier et déclare : - Vous n’avez pas à avoir peur, monsieur Pinto, ici vous pouvez le dire…

Eh bien, les antisémites m’emmerdent parce qu’ici, en France, presque soixante-dix ans après cette anecdote, on ne peut plus le dire.